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Xavier Chiloux - Avocat à la Cour

Ancien membre du Conseil National des Barreaux (2015-2017) - Ancien membre du conseil de l'ordre de Paris (2012-2014) - Vice-Président de la Cnbf depuis 2011

Monsieur le Bâtonnier vous avez la parole… Et c'était moi !

Publié le 8 Février 2012 par xavierchiloux

Aujourd'hui, mercredi 8 février 2012, j'ai suppléé Madame le Bâtonnier, lors de la prestation de serment de 29 de nos nouveaux confrères.


Après les réquisitions de Mme l'Avocat Générale, cela m'a  fait quand même quelque chose lorsque le Président s'adressa à moi, en me disant:" Monsieur le bâtonnier vous avez la parole"...


Tout le monde l'aura bien compris, il s'agissait de la fonction et non pas de l'homme bien évidemment...


Quoi qu'il en soit, pour quelques heures je fus bâtonnier et c'est assez impressionnant.


Un peu comme lorsque André, la mémoire du conseil, vous annonce dans la bibliothèque haute des avocats et que tout le monde se lève pour vous accueillir.


J'avoue très franchement que le souffle était un peu coupé et que les techniques que l'on a pu apprendre, au fur et à mesure, de nos plaidoiries n'ont pas été totalement inutiles.


Voici le texte que j'ai lu à nos confrères:

 

Mes Chers Confrères.

Au nom de Madame le Bâtonnier, du vice Bâtonnier, de l'ensemble des membres du conseil de l'Ordre et de la profession dans son ensemble, moi, Xavier Chiloux, membre du conseil de l'Ordre je vous souhaite la bienvenue dans notre magnifique profession.

Ceci crée indéniablement un lien fort entre vous et moi, et sachez que ma porte vous sera toujours ouverte … en priorité.

Voilà, je suis le premier, à moins que certains n'en aient profité dans le couloir nous menant ici, à pouvoir vous gratifier de ce titre qui est un des privilèges de notre profession.

En effet, nous ne sommes ni collègues, ni camarades, ni relations de travail, mais bien Confrères qui appartenons à une confrérie dont la base est indéniablement la déontologie.

Celle-ci, et vous le savez forcément mieux que moi puisque vous sortez de l'école, qui, fondée sur les Principes Essentiels dont, la courtoisie et la délicatesse, qui me semblaient bien désuets lorsque,  comme vous, j'ai prêté serment, s'avère, au fil du temps, comme la quintessence de la confraternité.

La déontologie est à la fois très complexe mais aussi très simple lorsque l'on se pose simplement la question : est-ce que ce que je suis en train d'envisager de faire à mon confrère ce que j’accepterai que celui-ci me  fasse ?

Vous allez embrasser une profession formidable à un moment important de son évolution puisque de toute évidence le secteur du droit est l'un des plus porteurs actuellement et que, dans les prochaines années, vous allez accompagner cette mutation de tous les instants.

Soyez assurés, que jamais aucune de vos journées de travail ne ressemblera à la précédente, et que, toujours vous devrez être sur le qui-vive, et en alerte, pour vous adapter, le mieux possible, à l'ensemble des défis et des choix que, quotidiennement, vous aurez à affronter.

C'est sûrement là un des secrets qui alimentent l'excitation permanente que l'on a à être Avocat.

Vous le savez, en général le temps passe vite, et en ce qui concerne votre exercice professionnel cette impression sera multipliée par 10.

Je me vois encore, à votre place, il y a maintenant plus de 23 ans en 1988, alors que certains d'entre vous, j'en suis sûr, n'était pas nés, et je ne suis toujours pas persuadé d'en avoir encore pris conscience…

Alors vous maintenant qui êtes Avocat, restez chaque instant vigilants et prudents comme le rappelle le serment que vous venez de prêter, et rappelez-vous toujours ces principes de courtoisie et de délicatesse.

Vous avez sûrement, passionnés que vous êtes, lu, moults témoignages et ouvrages sur l'avocat, la profession, et les usages.

J'ai suivi le même rite initiatique que vous il y a quelques années et je me permets de soumettre à votre réflexion ce que j'avais retenu du livre de notre confrère Daniel Soulez Larivière.


 

L'avocat est indéniablement un auxiliaire de justice et se doit de contribuer à son œuvre, mais c'est aussi un indépendant qui doit se battre contre l’injustice et ne jamais plier aux diktats d'une autorité qui agirait injustement.

Comme le disait notre confrère, l'avocat c'est le plus souvent de « l’huile dans le moteur » mais, parfois, c'est aussi du « sable dans l'engrenage ».

Mes chers confrères, vous voici donc Avocat, c'est indéniablement un privilège et un honneur, pour vous et vos familles que je salue, mais aussi une responsabilité.

Comme vous le savez peut-être, nous sommes l'une des rares professions qui, au cours de l'avancement de sa carrière, n'offre quasiment pas de promotion sociale.

Un jeune militaire, qui commence lieutenant peut espérer terminer général et donc suivre un Cursus Honorum qui lui permettra d'acquérir plus de responsabilités et de considérations au fur et à mesure.

Tel n'est pas le cas pour vous, car vous êtes Avocat dans toute la plénitude de ce que cela représente, de ses devoirs et obligations, aujourd'hui à 25 ans comme vous le serez le jour de votre retraite, pour ceux qui espèrent encore en prendre, dans 40 ans ou plus…

Alors voici, pour terminer, car comme vous allez en faire l'expérience, les discours, comme les meilleures plaidoiries sont souvent les plus courts, et aussi par ce que l'on s'aperçoit que d'autres, mieux que nous ont souvent écrits et décrits ce que nous voulions exprimer, je laisserai la parole, avec l'autorisation qu'ils m'ont concédée, à M. Jean Castelain bâtonnier de l'ordre jusqu'en décembre 2011 et à son vice bâtonnier Jean-Yves le Borgne.

Ceux-ci, dans leur dernier éditorial de mandat du bulletin hebdomadaire du bâtonnier, ont qualifié, en quelques mots ciselés, ce qu'est notre profession, et ce que doit être un avocat.

 

« Nous savons que vous êtes parmi les rares qui ne répugnent jamais à l'ouvrage, qui n'ont aucune certitude du lendemain et qui, pourtant, ne se plaignent jamais.

Car vous avez admis depuis toujours, que c'est de vous, presque de vous seuls, que tout dépend.

Vous ne demandez ni protection, ni faveur, ni assistance ni prise en charge.

Femmes et hommes responsables, vous incarnez un modèle de citoyenneté qui force l'admiration.

La résignation vous est inconnue, elle ressemble trop à la défaite.

Vous avez du monde une vision critique et, à l'occasion, indignée ; c'est la condition du progrès des libertés et de l'amélioration de notre société.

Ne changez rien.

Restez irréductibles à toute définition, et rétifs à toute  soumission, ennemis de la docilité grégaire.

C'est par ce que vous êtes ainsi que vous saurez faire face et vaincre… »

 

 

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