Le petit guide Chiloux des élections d’avocats à paris.
Préface de Pierre Olivier Sur, Bâtonnier de Paris pour les années 2014 et 2015.
Postface de Emmanuel Pierrat, Membre du Conseil de l'Ordre de paris.
La vie politique n'est pas tant éloignée que cela de la vie ordinaire des avocats, surtout quand ces derniers sollicitent le suffrage des leurs pour les représenter.
Les règles sont les mêmes, et c'est peut-être pour cela que dans les quatre derniers présidents de la république française l'on trouvait deux avocats.
Ce petit guide, à vocation de permettre à certains, avant que de jouer avec les règles du jeu, de les comprendre.
Bien modestement, je me cantonnerai, pour l'instant bien évidemment, à décrire les élections au conseil de l'ordre qui permettent, bon an mal an, et en excluant les anciens bâtonniers qui en sont presque membres de droit, qu'une douzaine d'avocats chaque année soit choisis par leurs pairs.
12 donc parmi parfois plus de 45 candidats, tous professionnels en exercice donc peu suspect de dilettantisme ou de manque de conviction, c'est bien peu surtout lorsqu'on observe que certains sont quasiment élus automatiquement, ainsi va notre démocratie.
Personnellement, et beaucoup de mes confrères le savent, j'ai été, et je suis toujours, passionné par ce grand Show qui revient chaque fin d'année et si j'ai dû batailler pendant cinq ans et donc 6 candidatures avant que d'y arriver, c'est peut-être en prenant connaissance de certaines petites choses qui seront décrites ci-après.
Le sentiment premier, c’est celui d'être chassé/chasseur pendant toute la période de campagne qui s'étale le surplus ou moins 3 mois de septembre à décembre, et ce chaque année.
Chassé, parce que le Candidat est examiné, observé, analysé et donc estimé…à sa valeur ...ou pas…
Chasseur, parce que le but de la manœuvre est d’aller chercher l’intérêt et peut-être, les voix de ceux qui ne vous connaissent pas.
Lorsque l'on ne fait pas parti d’un syndicat professionnel, d'une grosse structure, ou d'un réseau important au palais, en résumé lorsque l'on est un avocat indépendant, et comme ne manquait pas de me le dire ma grand-mère de province lorsqu'elle m'envoyait chez un commerçant: « Il faut se faire connaître …»
Là en fait se situe tout le problème.
En effet il conviendra de répéter inlassablement, encore et encore, et sans relâche, les aspirations et les raisons qui vous poussent à vouloir rentrer au conseil de l'ordre.
Sauf à de très rares exceptions, une seule campagne ne sera pas suffisante, pour un candidat indépendant, et il conviendra toujours, de tenter de séduire, de convaincre l'électorat le plus difficile et rigoureux qui soit : nos confrères.
Celui qui se rêve impétrant, comme le qualifiait, il y a peu, mais inexactement, un illustre premier secrétaire de la conférence du stage aujourd’hui ministre, devra indéniablement faire preuve de constance, d'une humilité certaine de plus en plus forte suite aux premières désillusions qui ne manqueront pas de s'accumuler, et enfin d'une humeur égale : en bref, il devra faire le travail, et adopter la posture qu’on attend d’un candidat !
Au terme de son parcours, il aura rencontré des personnalités diverses, contradictoires et paradoxales comme seule notre profession sait en produire, et il aura l'impression de connaître, personnellement, si ce n'est intimement, l'ensemble de ses électeurs, un par un.
À celui qui rêve de succès, je souhaiterais préciser, qu'à une ou deux exceptions près par année, il n'y a pas de surprise dans ces élections, et dès la promulgation définitive de la liste des candidats, dans le courant du mois d'octobre, les jeux sont quasiment faits.
Il y a eu, et il y aura toujours des exceptions, ceux qui ont trouvé un axe encore inconnu ou négligé de communication, qui, sans jouer ni respecter aucune règle du jeu, et à la surprise générale, pourront prétendre à se voir élire, voire même confortablement.
Pour tous les autres, c'est-à-dire la très, très grande majorité, il faudra mieux, avant que de jouer avec les règles du jeu, en connaître les principes fondamentaux et, essentiels, si je puis me le permettre.
Cette entreprise, n'a pas pour but de de dévoiler tous les secrets de cette élection, et même sous la torture, je me refuserai à en avouer certains, mais néanmoins souhaite avoir l'ambition de révéler quelques principes que j'ai pu, ou cru pouvoir définir dans cette période 2006 - 2011 que nos enfants regarderont sûrement avec un amusement certain.
D'ailleurs, l’un des premiers principes, est de toujours garder cet amusement et ce plaisir, ce détachement et ce recul qui doivent prévaloir à toute ambition et qui, notamment permettent d'encaisser les mauvais coups qui interviendront parfois.
Comme certains le savent, je n'ai pas cessé de dire que j'adorais la campagne et on me la bien rendu en m’y laissant de nombreuses années.
Alors voilà, si cela en intéresse quelques-uns, je vous apprendrai beaucoup de choses, mais pas tout, sur ces élections au conseil de l'ordre qui, vu le nombre croissant de candidats chaque année, semblent en passionner beaucoup plus que ceux qui l’admettent.
Afin de terminer cette introduction, je souhaiterais rappeler l'histoire, transposable à nos élections, mais qui concernait l'Académie française que m'a narré l'un de nos confrères pour lequel j'ai une grande affection.
À la fin du XIXe siècle, trois académiciens poussent l'un de leurs « amis » à se présenter à l'académie.
Celui-ci, sûrement conscient de l'inanité de ses écrits et de la médiocrité de ses propos, renâcle et rechigne, mais finit par céder sous l'amicale pression.
Le premier tour se déroule et notre candidat malheureux se voit gratifier en tout et pour tout que… d'une seule voix.
Il se retire bien évidemment et ne manque pas d'adresser à ceux qui l'ont poussé à se présenter, des reproches et récriminations outrées mais légitimes.
« Vous êtes tous les trois de drôles d'énergumènes car malgré votre promesse je n'ai obtenu qu'une seule voix au premier tour… »
La réponse fût unanime : « Comment ça mon cher, tu avais notre soutien et en plus tu voulais nos voix ! »
À tous ceux, qui veulent tenter l'aventure des élections, il convient de méditer cette anecdote, tant, consécutivement à votre premier ou deuxième ou troisième échec, vous ne comprendrez toujours pas comment, avec tous ceux qui disent avoir voté pour vous, vous n'êtes toujours pas élu.
Il convient aussi de se rappeler que le grand bâtonnier Bigault du Granrut, qui nous a quitté il y a peu avait dû, dans un barreau de taille beaucoup plus modeste, se présenter 7 fois au conseil de l'ordre avant que d'être élu puis 3 fois au bâtonnat ce qui ne l'a pas empêché d'être un bâtonnier particulièrement respecté.
Vous connaissez, pour certains, mes analogies sportives donc, et sans hésiter : « La victoire est en vous »…
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