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Xavier Chiloux - Avocat à la Cour

Ancien membre du Conseil National des Barreaux (2015-2017) - Ancien membre du conseil de l'ordre de Paris (2012-2014) - Vice-Président de la Cnbf depuis 2011

Plan Marshall 2…le retour ?

Publié le 7 Janvier 2014 par xavierchiloux

Rassurez-vous, il ne s'agit pas de Terminator 2, 3 ou 4, dans lequel le héros ne manque pas à tout bout de champ de proférer le fameux : «I’ll be back »…

Non, définitivement, car ici le Marshall en question ne s'appelle pas Georges mais Didier, et il n'est pas américain mais président de cour d'Appel.

Il a été chargé par la Garde des Sceaux de préparer, et d'envisager, épaulé par une commission ad hoc, la justice du XXIe siècle.

Un grand raout est prévu le vendredi 10 et le samedi 11 janvier 2014 à l'Unesco.

Cependant, Didier Marshall a déjà pu présenter les grandes lignes de son rapport au conseil national des barreaux le 18 décembre 2013.

Grâce à son président, Jean-Marie BURGUBURU, j'ai pu me glisser dans l'assistance et je vous avoue franchement que je ne l'ai pas regretté.

Vous y êtes habitués maintenant, je vais essayer de faire court si ce n'est synthétique.

Le rapport, fort épais, repose sur huit grands principes qui sont les suivants :

 

 

1. Accessibilité.

2. Simplification.

3. Unification.

4. Gouvernance.

5. Responsabilisation des greffes.

6. Échevinage et travail en équipe.

7. Compte rendu.

8. Concertation.

 

 

À partir de ces principes, prérequis, cinq axes de travail ont été définis par la commission :

1. Accès au droit : consultation gratuite et guichet universel de greffe permettant une consultation centralisée de tous les dossiers.

2. Une justice qui travaille en équipe : greffes (déjà surmédiatisé dans le projet de réforme du divorce par consentement mutuel), attachés de justice, échevinage en première instance et en appel, création de conseils de justice départementaux.

3. Création d'une juridiction unifiée de première instance appelée TPI, et qui serait composé de six tribunaux spécialisés : pénal, sociale, commercial, affaires familiales, affaires civiles…

4. Volonté en outre de travailler sur la proximité.

5. Enfin renforcement d'une justice qui anticipe avec la création de plusieurs observatoires.

 

Je laisserai à d'autres le soin de vous fournir une analyse bien plus complète et précise que celle que je pourrais vous adresser mais je souhaitais revenir sur ce qui m'intéresse au plus haut point, non seulement parce que il y a maintenant quatre ans nous avons créé l'Association de Rénovation de la Procédure Prud'homale (ARPP . Facebook : « Réforme de la procédure sociale ») mais aussi parce que depuis trois années les différents bâtonniers m'ont confirmé leur confiance pour être l'un des représentants de l'ordre auprès des juridictions sociales.

 

De ce fait, je voudrais vous entretenir de celui qui sera, ou qui serait, le successeur du conseil des prud'hommes, à savoir le Tribunal Social partie intégrante du TPI.

 

Le constat concernant les CPH

Le constat de base, ne surprendra pas outre mesure les praticiens et est, de toute évidence, réel et sérieux, comme on peut le dire dans notre jargon.

Pour l'heure, la justice rendue par les conseils des prud'hommes est lente souvent inefficace en première instance, en effet alors que le taux d'appel moyen des juridictions de première instance est inférieur à 20 % celui des conseils des prud'hommes et de… 60 %…

Il y a actuellement 209 conseils des prud'hommes en France ce qui est de toute évidence un chiffre trop important, et le coût principal de fonctionnement est représenter par les élections qui tous les 5 ans entraînent une dépense invraisemblable de… 100 millions d'euros…

Il ne vous aura pas échappé, qu'il était envisagé de remplacer ces élections par un système de désignation, direct, par les organes syndicaux, ce qui au demeurant, ne changerait pas grand-chose.

Selon le rapport la conciliation est inférieure à 10 % lors du bureau de conciliation alors que tous les praticiens savent qu’on est plus proche, dans la vraie vie, de… 1 %.

Ce qui ne surprendra personne non plus, c'est l'incapacité, malgré les constats alarmants, dont s’est d'ailleurs ému le conseil de l'ordre de Paris il y a peu stigmatisant une durée de procédure devant la section encadrement du conseil des prud'hommes de Nanterre jamais inférieure à 33 mois en première instance, de l'institution à envisager une quelconque réforme.

Les acteurs concernés, selon le rapport, dont notamment le conseil supérieur de la prudhomie ne formulent aucune solution efficace, privilégiant le statu quo, et surtout semblent  rarement concernés par … les  justiciables..

A ce stade, je me permets de rappeler les propositions de l'Association de Rénovation de la Procédure Prud'homale, regroupant plus de 200 confrères, issues notamment du colloque organisé le 6 mai 2010 à la maison du barreau et qui sont les suivantes :

  

1. Une procédure écrite sans représentation obligatoire

Cette procédure écrite sans représentation obligatoire se pratique déjà devant d’autres juridictions.

 2. Une suppression ou un aménagement de la première audience dite de conciliation

 Nous n'avons pas envisagé de supprimer cette audience de conciliation, néanmoins, nous proposons aux seules parties assistées par un Avocat, la possibilité d'être dispensé de ce préalable de conciliation par demande conjointe adressée au Conseil de Prud'hommes par les deux Avocats des parties en présence.

 

3. Un calendrier de procédure

 

A l'exemple de ce qui se pratique dans de nombreux Conseils de Prud'hommes français, notamment Toulouse, Nantes, ou Strasbourg, il a été envisagé un calendrier de procédure selon une fréquence à déterminer (entre 1 et 3 mois) ; audiences relais qui permettront aux conseillers prud'homaux de vérifier la mise en état de la procédure.

Il est prévu que, dans un premier temps, le demandeur à l'instance communique tant ses pièces, que ses conclusions.

Dans un second temps, le défendeur communiquera lui-même ses pièces et conclusions et comme cela se pratique en procédure civile, un calendrier avec audiences d'évocations ou relais permettra une réplique éventuelle.

Une ordonnance de clôture interviendrait 15 jours avant la date prévue de plaidoirie avec possibilité, comme en procédure civile et sur demande motivée et justifiée, d'obtenir un rabat de clôture.

4. Rendez-vous judiciaires pour des plaidoiries

 Du fait de cette mise en état de la procédure permettant l'assurance que chaque affaire inscrite pour plaidoirie sera effectivement plaidée, il est sollicité la mise en place de rendez-vous judiciaires comme devant les juridictions civiles, les parties étant amenées, lors de l'ordonnance de clôture, a indiqué la durée prévisible de leur plaidoirie.

  

Alors, pour une fois, montrons-nous raisonnablement satisfait et essayons d'être proactif.

Après plusieurs années à prêcher dans le désert, pour obtenir, sans succès, que du papier puisse être introduit dans les photocopieurs du conseil des prud'hommes de Paris ou que, ses décisions puissent être délivrées aux avocats, ou qu'enfin, ceux-ci puissent connaître la date de notification du jugement, il semblerait que certaines idées d’évolution aient été reprises.

En effet, le rapport Marshall, concernant le Tribunal Social, propose des modifications qui pourraient s'appliquer, selon lui, d'ores et déjà aux différents conseils de prud'hommes.

Les Propositions.

 

1. Une mise en état, (enfin), confié au greffe, (pourquoi pas si celui-ci est formé), et qui fixerait les calendriers et les délais de communication de pièces, une clôture étant prévue un mois avant les plaidoiries.

2. Un échevinage tant en première instance qu'en appel.

3. Un maintien du bureau de conciliation mais sans la présence du juge professionnel préconisé, avec obligation de communiquer les pièces de part et d'autre avant cette première audience.

4. Un jugement de départage motivé, (enfin, ceci mettrait un terme à ce déni de justice).

 

Il s'agit des mesures phares est assez consensuelles si ce n'est sur l'échevinage.

Suivent quatre autres modifications de moindre intérêt, semble-t-il à savoir.

 

5. Un contrôle qualitatif du travail des conseillers prud'homaux avec la définition de critères objectifs mesurant la charge de travail.

6. La réduction à trois du nombre de sections avec la suppression des formations de l'agriculture et de l'encadrement.

7. La suppression de sections au sein de certains conseils des prud'hommes lorsque celles-ci ne traitent pas assez de dossiers dans l'année.

8. La formation des conseillers prud'homaux confiée à l'école nationale de magistrature.

 

A la Cour.

Au stade de la cour d'appel, le rapport préconise, premièrement une représentation obligatoire des parties, soit par un avocat, soit par un délégué syndical, et deuxièmement le fameux et décrié échevinage.

Celui-ci ne semble pas avoir un grand intérêt à ce stade puisque les juges non professionnels n'auraient qu'une voix consultative.

Nous nous retrouverions de ce fait quasiment dans la situation du juge rapporteur et unique actuel, qui d'ailleurs la plupart du temps ne rapporte pas grand-chose et statue seul.

Cet échevinage en appel semble donc n’être qu’une bien maigre « contrepartie » à celui prévu au stade de la première instance.

Quelques regrets néanmoins.

Notamment, la plupart des praticiens auraient souhaité que la première audience de conciliation soit aménagée sur demande de l'une ou de l'autre des parties et qu'elle soit supprimée avec l'accord des deux.

Ceci permettrait une véritable conciliation, ou médiation, avec le temps nécessaire à permettre un éventuel succès à savoir, 1 h à 1h 30 au lieu des 5 à 10 minutes aujourd'hui dévolues aux affaires venant à cette première audience.

 

Il ne faut pas non plus oublier que parfois ni l'une ni l'autre des parties n’ont intérêt, ou envie, d'une audience de conciliation.

Les employeurs, parfois,  souhaitent simplement gagner du temps du fait de la longueur de la procédure judiciaire usuelle mais les salariés aussi, ceux que nous rencontrons de plus en plus en qualité de praticiens, souhaitent souvent, ni plus ni moins, qu’un jugement et que les magistrats gravent dans le marbre qu’ils avaient raison…

De la même manière, il est curieux qu'aucune mention ne soit présente dans le rapport concernant une mise en état électronique qu'elle puisse être par RPVA ou par la future plate-forme qu’on nous promet de longue date.

Quoi qu'il en soit, en cette nouvelle année regardons le verre à moitié plein et félicitons-nous que pour une fois, depuis de nombreuses années, des propositions allant dans le bon sens aient enfin été articulées pour l’amélioration de notre quotidien de praticien en droit social.

Espérons enfin que ce plan Marshall n'accouchera pas, comme son homologue, d'illusions comme les villes de Caen ou du Havre dont on ne sait plus aujourd'hui comment on va les rebâtir, après les avoir détruites une nouvelle fois.

Permettez-moi à la fin de ce message, de vous souhaiter à tous une excellente année 2014.

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P
Tu sais que t'es bon toi!
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