J’aime bien ce nom de palais des Batignolles, et pas simplement pour la rime que je me garderai bien de faire.
En fait, et je ne sais pas réellement pourquoi, je n'étais pas pressé de m’y rendre, et j'ai un peu tardé.
C'est donc il y a à peine quelques jours que j'ai sauté le pas.
Cela a déjà été écrit et nous l'avons déjà lu, l'accès y est totalement improbable.
En transports en commun, il va falloir avoir pas mal de patience, en voiture n’y pensez pas, et en deux, ou trois roues il vous faudra trouver un endroit pour vous garer, ce qui n'est pas gagné.
Vous y arrivez finalement, et après avoir montré patte blanche, vous pourrez accéder à ce grand hall de gare, assez luxueux au demeurant même si on ne comprend pas très bien cette débauche d'espace qui semble ne servir à rien.
En effet, la vie réelle n'est pas là mais plutôt dans les ascenseurs menant aux étages, nous y reviendrons.
À partir de cette entrée dans le hall, il va falloir être très perspicace, et rusé, pour trouver ce que l'on est venu chercher.
En premier lieu, au fin fond de ce dédale, sous un escalier et près de deux portes condamnées, la borne d'activation de votre sésame : votre carte d'avocat.
Grâce à elle, l'on saura exactement où vous êtes à tout moment dans ce palais.
Sans elle point de salut et il faudra renoncer.
En ce qui me concernait, je pensais que la recherche était assez simple puisque je souhaitais simplement déposer du courrier, en l'occurrence un dossier de plaidoirie.
En effet, mais espérons que ce ne soient qu'une des conséquences néfastes d'une période de transition, alors que notre service de courrier, la fameuse toque, est resté à l'île de la cité, on apprend néanmoins que, lorsque l'on souhaite déposer un dossier de plaidoirie par ce moyen, ce n'est plus possible de le faire…
Voulez-vous déposer quelques courriers que ce soit pour Nanterre, Créteil, Bobigny, et même Versailles pas de difficultés mais pour le Tribunal de Paris, il faudra vous y rendre…
Il n'aurait pas pourtant été totalement stupide de penser qu'une navette aurait pu simplifier nos démarches quotidiennes.
Trouver ce service est une véritable gageure, surtout que l'on ne recherche pas véritablement un bureau d'une vingtaine de mètres carrés dont l'ergonomie laisse à réfléchir.
Trois guichets de type sécurité sociale nous y attendent avec des interlocutrices, chauffées à blanc, bien qu'on ait été en début d'après-midi.
Ceci est sûrement dû à l'inconfort invraisemblable des lieux, ou à une absence de climatisation qui va se faire cruellement ressentir dans les prochaines semaines.
Quoi qu'il en soit, l'une d'entre elles se saisit de mon pli et se proposa de l’ouvrir sans autre forme de procès…
Les notions de secret professionnel, de correspondance privée, entre autres, lui étant fort étrangères nous nous quittâmes un peu fâchés.
Cet accueil, de nos confrères, provisoire je l'espère tant que la MODA (Maison des Avocats, en construction sur le parvis) ne sera pas sortie de terre, et une régression et doit évoluer.
Sorti de ce guêpier, tel le sapiens moyen, flexible et coopératif, j'entrepris immédiatement deux ou trois confrères de ma connaissance pour mettre nos moyens en commun dans l’exploration des prochains lieux.
Au même sixième étage, ce fut alors la découverte du vestiaire, précaire espérons-le, ne dépassant pas, lui non plus la vingtaine de mètres carrés, dans un recoin improbable et mal indiqué.
Celui-ci se trouve près du service des affaires familiales qui ambitionne de recevoir les personnes souhaitant divorcer.
Y aurait-il une malédiction de ces zones d'accueil familial, que nous connaissons trop dans les palais de France, qui semblent faire payer très cher aux justiciables, et aux avocats qui les défendent cette volonté de voir acter une séparation.
Comme partout en France, mais ici on est supposé être dans un bâtiment moderne, ces salles d'attentes sont inconfortables, et mal conçues, et les confrères piétinent devant les cabinets opaques de magistrats blasés et surmenés.
Ce fut l’instant choisi par l'un d'entre nous, pour nous faire découvrir l'accès à la zone réservée aux professionnels.
Les ascenseurs révolutionnaires que vous appellerez grâce à votre carte, après avoir présélectionné auparavant l'étage désiré (vous avez donc fort intérêt à le connaître) ne disposent d'aucun bouton à l'intérieur empêchant ainsi tout droit au repentir.
C’est dans ces omnibus s'arrêtant à presque tous les étages, et il y en a beaucoup, que la vraie vie sociale de ce nouveau palais se révélera.
Vous y rencontrerez alors des magistrats vous indiquant qu’ils prévoient un bon quart d'heure avant l'heure de leur audience tant il est impossible de prévoir préalablement les temps de trajet…de ces ascenseurs…
À l'arrivée à votre étage choisi, impossible d'accéder à quelque bureau que ce soit, sans avoir appelé l'interlocuteur que vous espérez tant rencontrer, et qui vous qui libérera, peut-être, de ce sas.
À noter au 19e étage, une cafétéria (je ne suis pas persuadés que nous y ayons accès…) qui apparait charmante et bien agencée, mais qui hélas ferme ses portes à 14h30 comme si bien peu d'audiences avaient vocation à se poursuivre postérieurement.
Un splendide ascenseur panoramique vous conduira alors à l'extérieur de ce palais futuriste, dans lequel il n'est pas sûr que la justice sera mieux rendue.
Ceci met un terme à cette première promenade aux Batignolles…vivement la MODA !