Mon cher confrère.
Vous m'interpellez, dans une lettre que je reproduis sur mon blog, me reprochant l’exercice de mon mandat au conseil de l'ordre qui se termine et qui selon vous m’aurait perverti.
Vous avez raison, je l'avais dit il y a maintenant trois ans dans ma profession de foi, je dois des comptes à tous les électeurs et si je voulais le faire au début de l'année prochaine vous me permettez ainsi d'anticiper, partiellement, ma reddition des comptes.
Juste d'abord quelques informations pour vous.
J'étais avant mon mandat et je suis toujours à ce jour, un avocat essentiellement judiciaire, travaillant seul avec une secrétaire à mi-temps dans une dominante en droit social qui m'amène à fréquenter, comme vous le savez, les conseils des prud'hommes et les chambres sociales de la cour.
J'ai appris beaucoup pendant ces trois ans et je n’en regrette pas une seule seconde, sur les hommes, les idées, les confrères et l'avenir de notre profession.
J'ai aussi perdu, ou gagné, 2 h de sommeil quotidien en moins étant dorénavant à 7h00 à mon cabinet car sinon, je ne vois pas très bien comment je m'en serais sorti.
Les 1500 heures sur trois ans, bénévoles, sans indemnisation des frais de quelque façon que ce soit, sans compensation aucune, pendant les heures ouvrables, facturables mais non facturées, comme la grande majorité des autres membres du conseil de l'ordre, je les ai faites je n'en regrette aucune.
Les décorations, je n'en ai aucune, cela m'intéresse assez peu sauf l'occasion de réunir autour de moi mes amis, mais comme j'ai indiqué solennellement que je ne les porterai jamais, le cas échéant, sur ma robe, je crains que l'occurrence s'éloigne de plus en plus.
Mes prises de position écrites, sur mon blog, qui sont toujours consultables à ce jour, et dont je renie rien, n'ont pas facilité forcément ma vie professionnelle pendant ces trois ans et je n'ai par exemple effectué aucune mission à l'étranger en qualité de membre du conseil de l'ordre, celles que j'avais sollicitées m'ayant été refusées.
Bien que délégué du bâtonnier aux juridictions sociales pendant trois ans, j'ai été à la demande d’un président de conseil des prud'hommes exclu de certaines réunions car j'avais osé écrire qu'un seul mot n'avait pas été prononcé pendant une rentrée solennelle du conseil des prud'hommes en question à savoir celui… d'Avocat…
J'ai essayé, comme le colibri de l'histoire, avec humilité car d'autres sont venus avant, et arriveront après moi, de faire ma part.
Notamment, dès novembre 2011, j'écrivais que j'étais favorable à l'avocat en entreprise mais qu'il convenait de réfléchir à son intégration dans notre caisse de retraite.
Je vous ai entretenu encore en qualité d'administrateur de la CNBF, sur la nécessité et la légitimité de la réforme que nous avons conduit pendant plusieurs années et qui se mettra en place à compter du 1er janvier 2015.
J'ai commenté, en ce qui concerne la procédure prud'homale les rapports Marshall et Lacabarats pour lequel j'ai été auditionné.
J'ai rencontré le garde des sceaux qui est une femme exceptionnelle dans la prise de parole et courageuse, mais dont les réformes dogmatiques notamment sur ces sujets n'aboutissent à rien et ne font pas avancer le problème.
Quel peut bien être la justification du renforcement de la position du défenseur syndical, totalement anecdotique dans les problématiques d’aujourd’hui ?
Je me suis élevé contre la violation du secret professionnel qui n'est pas négociable, de par les textes, il est : Général, Absolu, et Illimité dans le temps.
Je me suis interrogé sur le fonctionnement de nos institutions que ce soit au conseil national des barreaux ou quant à la démocratie au sein du conseil de l'ordre.
Je me suis rendu avec 150 avocats parisiens sur 26.000, à mes frais, mais n'est-ce pas trop trivial de le rappeler, à la convention nationale des avocats de Montpellier témoignant ainsi ma solidarité avec les combats des avocats de France.
Enfin, et on me l'a reproché, je me suis engagé personnellement il y a quelque semaines pour une candidate indépendante au conseil de l'ordre qui, dans la liste des élus au premier tour a été sortie au second victime des errements informatiques pour ne citer que ceux-là.
Je n'en tire aucune gloire.
Ce sont mes positions, je les ai exprimés, je les revendique et les assume, elles restent consultables, sur mon Blog, aujourd'hui comme demain.
Maintenant, vous me reprochez selon vos propos, mon soutien aux lois Macron et aux syndicats.
Le jour n'est pas arrivé où je soutiendrai quelque syndicat que ce soit même si je reconnais, et je l'ai écrit, leur utilité et leur place dans notre débat démocratique et dans nos prises de décision.
Pas plus, je ne soutiens quelques lois que ce soit.
Cependant, je ne manifesterai pas le 10 décembre 2014, et je ne ferai pas grève.
Premièrement, mais cela ne concerne peut-être que moi, parce que je ne pense pas que notre robe, celle qui assure notre indépendance et la solennité des audiences, se doit être portée dans la rue.
En second lieu, je n'ai aucune envie de manifester auprès de ceux qui ont été à l'initiative de ce mouvement, à savoir les notaires, qui à longueur de temps souhaitent récupérer nos attributions, et dont les problématiques n'ont strictement rien à voir avec les nôtres.
Pas plus je n’ai très envie, de défiler à côté des greffiers des tribunaux de commerce dont la rémunération moyenne mensuelle selon les journaux s'élève à 31 700 €.
Ceux qui pensent, à tort bien évidemment, que nous sommes une profession de nantis et de privilégiés n'auront aucune difficulté à faire l'amalgame.
Veuillez m'excuser, mais je trouve cela ni décent, ni digne.
Maintenant et au fond.
Le projet d'avocat en entreprise sur lequel, grâce à une action de lobbying inédite nous contribuons à chaque instant, serait aujourd'hui comme je l'ai dit aux jeunes avocats que j'ai accueillis il y a quelques jours après leur prestation de serment, un avocat non judiciaire, ne pouvant pas plaider pour son employeur, et ne pouvant disposer de clientèle personnelle. J'ai toujours revendiqué, et je l'ai professé avant mon élection, que la profession soit proactive et non par réactionnaire.
À l'instar de ce qui se passe dans de nombreux pays européens, je reste persuadé que l'avocat a sa place en entreprise, suivant certaines modalités d'exercices, et c'est cela qui assurera le développement de notre grande profession et, contrairement, à ce que vous pensez, permettra aux avocats judiciaires et de contentieux dont je fais partie de continuer à exercer et à développer leur clientèle.
C’est le pari que je fais avec certains pour notre profession et que je vais continuer à mon humble niveau à essayer de défendre et de promouvoir pendant encore quelques années.
Sur la méthode maintenant.
Si bien évidemment, le recours aux ordonnances est peu démocratique et répréhensible, il ne s'agit cependant, et il faut que vous le sachiez, que d’une conséquence.
Conséquence d'une absence de concertation depuis plus de trois ans avec notre profession qui ne cesse de façon désordonnée de dire NON à toute évolution, à tout projet et à toute perspective d'avenir.
Ce n'est pas ce que je veux, pour ma fille qui a prêté serment il y a un an et pour mon fils qui rentrera bientôt, je l'espère, à l'école de formation du barreau.
Oserai-je vous dire : n'ayez pas peur et discutons en ?
Enfin, et pour en terminer avec la présente bien trop longue peut-être mais c'est aussi un peu de votre faute, je voudrais en finir avec une certaine forme de populisme.
Ceux d'entre nous, aujourd'hui lancés dans des mandats de six ans au conseil de l'ordre, et qui n'ont pas voté, ce qui est leur droit, dans le sens du conseil de l'ordre sur ce sujet, votent ou s'abstiennent systématiquement sur tous les sujets mis à l'ordre du jour du conseil de l'ordre.
Ils sont présents à nos séances du conseil de l'ordre du mardi au cours desquelles la parole leur est donnée sans restriction, et de façon inversement proportionnelle à leur représentativité, et puis cela s'arrête là.
Ils ne participent à aucune commission, ils n'effectuent aucun travail administratif, ordinal ou disciplinaire pour l'ordre.
Le travail qu’ils ne font pas est bien sûr assumé par les autres car les 1500 heures dont je vous parlais sont incontournables et doivent être réparties d'une façon ou d'une autre.
Alors évidemment, ça s'agite un peu pendant les élections mais avant et durant l'année…
Allez sur les sites, ce que je fais régulièrement car parfois la parole est intelligente et la plume est habile, et vous constaterez notamment une vacance cette année de plus de six mois dans les propos.
Voilà mon cher confrère ce que je voulais répondre à votre courriel et vous dire, comme le disait mon père et dont j'ai déjà fait mention dans un précédent propos : « Le seul espace à ta mesure est l'attente de celui qui t'ignore. »
Je suis, et je serai toujours à votre disposition pour en discuter avec vous et tous ceux qui le souhaiteraient en toute transparence, avec courtoisie et délicatesse.
Votre bien cordialement dévoué.
Mon Cher Confrère,
Je vous croise régulièrement au sein des juridictions prud’homales et, sans trahir le secret des votes, j’ai toujours motivé certains de mes Confrères pour vous accorder nos suffrages durant vos différentes campagnes. Ayant pu assister à plusieurs reprises à certaines de vos interventions (notamment à l’époque des petits déjeuners organisés par l’Ordre dans différents arrondissements), j’ai pu apprécier votre écoute et votre compréhension des problématiques qui touchent notre profession. Aujourd’hui, je prends connaissance avec effarement d’un message de notre Ordre précisant que le Conseil aurait voté à l’unanimité (moins 4 voix) l’opposition avec le reste de la profession « provinciale », le soutien aux lois Macron, et l’annonce que le syndicat ACE, notamment, serait le meilleur représentant des avocats parisiens. Aucune voix ne se lève au sein du Conseil alors que certaines réformes conduiront à la perte de petits cabinets travaillant pour des entreprises. Nous allons devenir une simple ligne de coût qui sera avalée par les N.A.S.E. nouvellement créés. Nous serons relégués, dans un premier temps, à la simple plaidoirie, alors que, vous le savez mieux que quiconque, le conseil nourrit le contentieux. Le deuxième temps nous obligera à devenir nous aussi des N.A.S.E.. J’ignore si le Conseil de l’Ordre change les hommes, mais il a eu raison de certaines de mes convictions. Je tenais à vous en faire part au regard du niveau de ma déception. Je vous prie de me croire, Votre bien dévoué Confrère.