La Décoration.
Ce soir, tant à la bibliothèque de l'ordre des avocats de Paris, qu'au CNB, deux consœurs seront décorées.
La semaine prochaine, il est fort à parier, au vu de son affiche, que la dernière revue de l’Uja traitera aussi la question.
Aussi, amis lecteurs, cette nouvelle que je vous adresse tombe peut-être à propos…
J'ai obtenu l'accord du principal intéressé, Jean-Marie, ce qui démontre bien, mais qui en doutait, son sens de l'humour et de la dérision.
La vie a été très généreuse envers moi, et j'ai ainsi pu rencontrer des hommes assez exceptionnels.
Parmi eux, deux anciens bâtonniers de Paris, qui se sont succédé par la suite, à la tête du conseil national des barreaux.
Je l'avais écrit dans un précédent ouvrage, (tiré quand même à 500 exemplaires…), on accède avec ce type de personnages, à la catégorie des grands fauves : Les Tigres.
L’ego n'est plus vraiment en jeu, ou alors tellement hypertrophié que cela en deviendrait presque une qualité.
L'un, CCB incarne évidemment l’Ogre, le second JMB ferait plutôt penser à un renard.
Le premier est Achille ou le roi des aulnes, le second serait plutôt Ulysse.
Le premier est solitaire, il vous prend, vous chiffonne, il vous jette, puis il vous ramasse, et essaie de redonner une apparence humaine à ce qui a été broyé.
Après vous avoir dévoré, il espère vous régurgiter, dans le même état antérieur…
Le renard l'est aussi, solitaire, mais il peut accepter de temps en temps la compagnie, de bonne qualité bien sûr.
L'un est de gauche, et l'autre aussi d'ailleurs, même si ce n'est pas forcément la même.
CCB est un des derniers avocats, quasiment seuls dans son cabinet, premier secrétaire de la conférence du stage, le verbe haut, et le mot redoutable : « on ne fait pas de prisonniers ».
JMB a été associé d'un grand cabinet d'affaires parisien, et si son éloquence n'est pas moindre, elle est simplement différente.
Ces deux personnages partagent plusieurs caractéristiques communes, mais au moins une qui les qualifie, ils sont assez difficiles à supporter, voire insupportables, au premier degré.
Tant avec l'un, qu’avec l'autre, il faut, après avoir sauté le deuxième degré, accéder au troisième.
CCB ne cédera rien, ne montrera aucune faille, même si, peut-être, il fera crédit à un semblant d'intelligence qu'il a pressentie à votre endroit, pourquoi pas un peu d'esprit, à partir du moment où elle atteint à peine le haut de sa cheville.
JMB différemment, acceptera parfois de vous montrer certaines fragilités, étonnantes d'ailleurs.
De CCB, l'anecdote que je garderai, est qu'un jour j'avais commis l'outrage de me plaindre de n'être plus en réception des courriels d'annonces du Palais Littéraire et Musical que celui-ci préside.
Pour une bonne information du lecteur, il convient de préciser que CCB n'a appris que récemment la fonction « répondre » sur les messageries, et avait l'habitude, pendant longtemps, de dicter la réponse à sa secrétaire, qui vous envoyait, trois ou quatre jours après, un PDF en pièce attachée, de la lettre signée par lui.
Nous en avons tous reçues, et il aurait peut-être été préférable qu'il ne découvrit pas, à tout le moins avant encore quelques années, cette fonction qui permet de répondre immédiatement.
Quoi qu'il en soit, mon message était : « Je ne reçois plus aucun courriel de l'association du palais littéraire et d'ailleurs, bien que membre du conseil d'administration, je n'ai jamais été convoqué à l'assemblée générale qui s'est tenue la semaine dernière… »
La réponse fut imparable : « Cesse de faire l'intéressant, et viens plutôt à l'assemblée générale… »
De JMB, qui lui maîtrise parfaitement la fonction réponse, et depuis toujours, le souvenir est tout autre.
Un soir, alors qu'il était déjà assez tard à Paris, et bien plus là où il se trouvait en mission à l'étranger, nous échangeâmes à plusieurs reprises, par courriels, évoquant « Les Fleurs du Mal », les poèmes qu'il connaissait, et moi celui dont je me souviens à peine : Spleen.
Le lendemain, il avait une journée plus que chargée, avec quelques interventions importantes liées à sa fonction.
Prendre quelques minutes pour échanger, à bâtons rompus, me touchât, profondément.
Un peu comme, lorsque CCB vous cite, la « Légende des siècles » qu’il connait par cœur.
Quand je vous dis que ces deux-là, au troisième degré, sont des êtres exceptionnels.
D'ailleurs pourquoi vous en parle-je aujourd'hui ?
Ah oui, j'avais oublié le sujet : les décorations.
CCB laisse souvent entendre qu’il n'a jamais voulu en avoir, et il aura fallu qu'il soit élu bâtonnier pour enfin recevoir la Légion d'honneur.
Il applique l'adage bien connu concernant les décorations : « on ne les demande pas, on ne les refuse pas, et on ne les porte pas… »
Pour JMB c'est tout autre chose, car là, on touche au « compétiteur », et pas au moindre.
À l'instant où j'écris cette nouvelle, JMB sera honoré de la dignité de « Grand officier de la Légion d'honneur » qui, pour ceux qui ne le savent pas, et j'en faisais partie récemment, succède aux grades de Chevalier, d’Officier et de Commandeur.
Ces différentes décorations lui ont été remises, successivement, par les Présidents de la République : Mitterrand, Chirac et Hollande… Excusez du peu.
De Grands officiers, ils sont à peine 500 en France, c'est vous dire le niveau.
Derrière chaque grand homme, une grande femme.
Et derrière JMB, c'est Danièle son épouse que l'on découvre, familière du président Mitterrand, et qui régna pendant de nombreuses années sur le conseil supérieur de la magistrature avant d’être nommée conseiller d’état
Contrairement à son mari, Danièle déteste les décorations, et n'en a jamais voulu.
Elle les a toutes refusées, jusqu'au jour où, en 2012, à peine nommée ministre, Christiane Taubira, la Garde des sceaux de l'époque, l'inscrivit dans un Décret, contre sa volonté, sur la liste des récipiendaires.
Il était trop tard, Danièle allait être décorée.
Elle ne pouvait plus refuser, mais n’a pas voulu rendre la chose publique.
Pour ceux qui ne le savent pas, et qui maintenant ne pourront en ignorer, comme dirait Stéphane De Grodt, une décoration ne peut être remise que par une personne l'ayant déjà reçue, au même grade.
Qu'à cela ne tienne, Danièle demanda donc à son mari alors commandeur, d'officier, de grand officier si je peux me permettre.
« Madame, au nom du président de la République, et en vertu des pouvoirs qui nous sont conférés, nous vous faisons chevalier dans l'ordre de Légion d'honneur… »
La procédure fut conforme, tous les documents furent signés et devinrent officiels.
D’applaudissements, il n’y en eut que peu, très peu même car ils n’étaient que deux, dans le salon de leur appartement : JMB et Danièle.
Quand on vous dit que Danièle déteste les décorations…