Le Paradoxe de la Barémisation.
Comme nous le savons, depuis de nombreuses années, le maître mot est la déjudiciarisation, et partant, la promotion des modes alternatifs de règlement des litiges.
Particulièrement, dans la matière sociale qui représente l'un des plus gros contentieux judiciaires, tout est fait pour décourager le justiciable d'avoir accès à la justice.
Depuis les nouvelles réformes : quasi assignation afin de saisir le juge du fond ou celui de référé, communication au greffe : de la requête en autant d'exemplaires que de défendeurs (manque de papier…), et des pièces qui s'empilent dans les archives des conseils de prud'hommes de France de Navarre.
Les parties, par la suite, seront convoquées à un bureau de conciliation et d'orientation qui, en cas de difficultés renverra à un autre bureau de conciliation, voire à un troisième, avant qu'une date ne soit fixée pour plaider, parfois à 33 mois, comme c'est le cas à la section encadrement du conseil des prud'hommes de Nanterre.
Les renvois pour difficulté de procédure ne sont hélas pas rares, et les jugements sont rendus bien au-delà des deux mois considérés comme raisonnables par la jurisprudence en la matière.
Dans de nombreuses occasions, dès que le litige deviendra trop complexe, le justiciable se heurtera à un véritable déni de justice, à savoir la mise en départage sans motivation.
Un an supplémentaire est à prévoir. Enfin, après plusieurs années, une décision pourra éventuellement être rendue qui, la plupart du temps ne sera pas frappée de l'exécution provisoire de l'article 515 CPC, et qui donc, fera l'objet d'un appel.
Deux années supplémentaires, en moyenne, avec une nouvelle réforme en cours applicable depuis quelques semaines, qui prévoit : nullités, caducités, fins de non-recevoir et autres irrecevabilités du même acabit.
Parfois, le justiciable parviendra à accéder à la cour d'appel, qui, comme c'est le cas devant les chambres sociales de Paris, lui proposera, à l’issue des plaidoiries… d’avoir recours à une médiation…
On l'aura bien compris, il est urgent de désencombrer les tribunaux qui n'ont plus les moyens de juger, et d'empêcher les justiciables d'avoir accès à leurs juges. Cependant, on n’a sûrement pas intégré qu'avec la Barémisation prévue par les ordonnances, et qui devra encore survivre aux recours, notamment sur l'article 24 de la charte sociale européenne, c'est exactement le contraire que l'on va obtenir. Et ce, surtout pour les anciennetés de salariés licenciés, inférieures à huit mois.
Le plafond se situant entre neuf mois, et moins au fur et à mesure, un employeur ne proposera pas plus de cinq à six mois, ou moins, dans un processus transactionnel auquel nous sommes habitués.
Cependant, et dans l’hypothèse d'une transaction, l’AGS opposera un différé d'indemnisation, aujourd'hui ramené à 150 jours, soit peu ou prou le montant de la transaction, ce qui rendra celle-ci neutre, et donc sans intérêt pour le salarié.
Il faudra alors saisir le conseil des prud'hommes, et, soit accepter le barème de conciliation, qui lui est exonéré du délai de carence AGS, soit attendre une condamnation à des dommages-intérêts, exclus du dispositif.
Ainsi, et à contre-courant de l'évolution du droit, si rien ne change au niveau de l'indemnisation pôle emploi, c'est bien l'ensemble des modes alternatifs de règlement des litiges qui n'auront plus vocation à s’appliquer au Droit Social, pour les salariés dont l’ancienneté est, somme toute, celle que l’on rencontre le plus souvent…