Si vis bellum, para pacem.
Chers Lecteurs, je vous avoue qu’en ces temps agités pour notre profession, il est particulièrement difficile d’écrire quoi que ce soit, tant, toute virgule mal placée, ou tout mot bien ou mal employé, peut être interprété à charge.
Quoi qu’il en soit, je m’y risque.
Le mouvement national des Avocats que nous vivons aujourd’hui, sur tout le territoire, et dans tous les cabinets, est unique et magnifique.
Nous ne sommes plus au XIXe siècle, et notre profession d’avocat n’est plus aujourd’hui ni respectée, ni écoutée, ni considérée.
Le traitement qui nous est infligé depuis plusieurs années - et la réforme des retraites en est hélas le point d’orgue - n’est pas admissible.
De concertation, il n’y en a point, et il est légitime que le CNB refuse de plus amples réunions tant que les principes de base de la négociation ne sont pas fixés dans le marbre : c’est incontournable.
Maintenant, il faut bien avoir conscience que nous sommes déjà, et que nous serons pour le futur dans le régime universel, qui d’ailleurs s’est transformé en système universel, et pour cause.
À l’intérieur de celui-ci, il y a d’ores et déjà cinq régimes différents dont deux pour les agriculteurs et un pour les marins.
Quand il y en a pour cinq, il y en a pour six…
Vous connaissez l’attachement viscéral que j’entretiens depuis plusieurs années avec notre caisse de retraite et ses régimes autonomes.
J’ai dû me battre naguère, contre une délibération d’un conseil de l’ordre qui voulait faire voter le principe de la suspension de la cotisation obligatoire à notre caisse de retraite.
Nous étions alors attaqués de toutes parts, et je ne peux que me réjouir aujourd’hui de l’unanimité autour de la gestion rigoureuse et scrupuleuse qui a été la nôtre depuis la création de la caisse.
Nous devons maintenir coûte que coûte, aujourd’hui et demain plus encore, les principes généraux de notre système de retraite particulier : solidarité, action sociale, gestion et conservation de nos réserves à bientôt 3 milliards d’euros.
Néanmoins, nous ne devons pas ignorer que nos régimes, dont notamment celui de base, devront bientôt être refinancés.
Bien sûr, il s’agit de 2060 pour le premier déficit technique, mais cette date est aussi celle à laquelle, ceux qui entrent dans la profession aujourd’hui, et qui commencent à cotiser, envisageront leur retraite.
Un effort financier sera évidemment nécessaire, mais pas à la hauteur de ce que nous impose la réforme envisagée.
Nous avons besoin de chiffrer ces besoins, par des calculs incontestables sur des données sérieuses et non pas volatiles et changeantes comme nous le propose aujourd’hui le gouvernement.
La démarche dans laquelle, à l’instar d’autres caisses de profession libérale, la CNBF s’est engagée à savoir, de faire calculer par un actuaire indépendant l’impact de la réforme est légitime, et aurait dû être entrepris par le gouvernement lui-même, de longue date.
Aujourd’hui, nous sommes en réaction contre un projet de réforme de retraite mortifère pour nos cabinets et l’avenir de notre profession.
Hélas les autres sujets d’inquiétude sont toujours là et resurgiront bientôt.
C’est pourquoi, c’est à juste titre qu’avec une finesse politique indéniable, le CNB et sa présidente n’ont pas cantonné les oppositions actuelles à la seule retraite mais aussi à l’aide juridictionnelle et au délabrement de la justice.
Est-il bien raisonnable que nous ayons au XXIe siècle autant de magistrats qu’au 19e ?
Est-il raisonnable que les greffiers soient en sous effectifs et en heures supplémentaires, institutionnalisées, comme les médecins et les infirmières ?
Est-il raisonnable que l’État français se fasse quotidiennement condamner au visa de la Convention européenne des droits de l’homme pour non-respect du délai raisonnable d’accès à la justice, lorsque l’on attend plus d’un an pour accéder au bureau de conciliation du conseil des prud’hommes de Boulogne-Billancourt, et trois ans pour le bureau de jugement du conseil des prud’hommes de Nanterre ?
Ces sujets doivent être traités maintenant, et nous ne pouvons plus accepter, comme on nous l’impose depuis des années, de voir pousser la poussière sous le tapis.
Les charges sociales de nos cabinets sont d’ores et déjà à la limite du tolérable.
Le revenu médian de notre profession, inférieur à celui des cadres, est celui qui supportera de plein fouet la réforme.
C’est avec cynisme que l’on préfère s’en prendre aux « pauvres » car comme on le dit, s’ils ne sont pas bien riches, ils sont à tout le moins les plus nombreux.
C’est dans le même ordre d’idées d’ailleurs que l’on maintient une paupérisation de la profession, en refusant de revoir le système de l’aide juridictionnelle qui fait travailler les cabinets à perte, avec une rémunération indécente.
La grève dure des avocats est nécessaire et courageuse, le vase aujourd’hui a débordé.
Je, nous, Administrateurs de la CNBF, recevons les demandes d’aide financière des confrères dont les ressources sont mises en péril par ces journées de grève.
Soyez assurés que toutes ces demandes seront traitées avec bienveillance.
Maintenant, et c’est le sens de mon propos initial, tout en espérant avoir tort, certains combats sont perdus d’avance.
Le gouvernement, ne serait-ce que politiquement, ne peut laisser une profession en dehors du système universel, et nous ne garderons pas l’autonomie actuelle de nos régimes de retraite.
C’est pourquoi, il faut concomitamment, proposer techniquement, et nous en avons les moyens soyez en sûrs nous travaillons dessus depuis plusieurs mois, tant au moment de l’élaboration actuelle de la loi que des ordonnances qui devraient suivre, la sauvegarde de nos principes fondamentaux, et non négociables qui fondent nos régimes de retraite actuels.
Proposer n’est pas accepter, et seule, in fine, l’assemblée générale du CNB décidera.
Nous ne pouvons laisser passer les opportunités de sauver ce qui peut, et doit l’être, sans que les générations futures nous le reprochent dans quelques années.
Si vis bellum, par pacem !