Cela faisait quelques temps que je ne vous avais pas écrit, et je ne sais si c’est réciproque, mais vous m’avez manqué…
Il convient de vous dire que j'ai mené de front deux grands changements dans ma vie professionnelle, l'association et la rénovation des locaux.
En ce qui concerne le second, sans être réellement au sein d'un livre de Dubois (vous plaisantez Mr Tanner…), il n'en reste pas moins que c'est un petit peu éprouvant.
C'est toujours le dossier que l'on pensait en sommeil pour plusieurs mois, et qui donc n'aurait pas à souffrir d'un déménagement de quelques semaines, qui ressort, fort inopportunément avant son heure, sans qu'on se rappelle vraiment dans quelle caisse il pourrait bien se trouver.
Déménagement de quelques semaines pendant les dits travaux, mais déménagement quand même.
Paris procure aux professionnels ce petit bonheur de toujours retrouver dans les appartements Haussmanniens, cette inactive cheminée sur laquelle les dossiers en veille arriveront à maturité.
Comme tout le monde le sait, ces dossiers ne dorment pas, et il se réveillent ponctuellement, et sans raisons réelles.
On dicte alors telles assignations ou conclusions d’une traite, en se demandant bien pourquoi on ne l’avait pas fait auparavant, tant ce litige semble dorénavant simple.
Chut…c’est un secret…
Dans un autre domaine, j’ai béni les confrères spécialisés en matière bancaire, créateurs de jurisprudence dont parfois on a du mal à comprendre la substantifique moelle.
Ainsi, après avoir signé je ne sais combien de pages du contrat de prêt, j'ai omis la phrase ô combien indispensable : « de la somme de ».
Dans ce pavé écrit de votre main, vous vous reconnaissez donc comme « garant de X euros » ce qui n'est absolument pas valable puisque vous auriez dû marquer « garant de la somme de X euros »…
Honnêtement…Mais une fois encore je ne suis pas un spécialiste.
Qu'à cela ne tienne, il suffit donc de rajouter la mention imparable : « de la somme de ».
Que nenni, et pas non plus de recopier tout le pavé sur la seule page défaillante, mais de signer de nouveau… Tout le document…
Ajoutez à cela l'entrepreneur qui, légitimement au demeurant, vous demande tous les jours quand le virement va arriver, et enfin, les clients qui ne comprennent pas que, vraiment et décidément, cela va être super difficile, d'être disponible.
Concomitamment, (d'abord parce que j'adore ce mot) transformation d'une activité individuelle en BNC depuis 30 ans, en Selarl, et association avec quatre jeunes confrères dynamiques et complémentaires.
Alors oui je sais, et bien qu'une nouvelle soit fois je ne sois pas spécialisé en cette matière, il s'agit de deux personnalités morales différentes, et il convient d'en tirer les conséquences fiscales, réglementaires et financières.
Mais enfin, être obligé de faire racheter par sa société commerciale d'exercice libéral, dont on est l'unique associé, sa clientèle construite depuis 30 ans, et même s'il existe des mécanismes fiscaux compensatoires, est assez surréaliste.
Ce mécanisme, un peu d’ailleurs comme les intérêts à taux négatifs, échappera pendant longtemps à ma compréhension.
C’est alors que l’Urssaf vous indique que, bien que votre compte soit personnel, il a été radié.
Appel immédiat à la plate-forme de renseignements spécialisée de l’Urssaf qui vous répond immédiatement, j’aurais dû m’inquiéter, que c'est tout à fait normal et que vous devez ouvrir un nouveau compte pour la nouvelle activité.
Pas vraiment rasséréné, second appel à la plate-forme qui indique avec quelques variations, à peu près la même chose.
Je m'apprêtais donc à m’y atteler, lorsque sur mon portable, une conseillère de cet organisme m’appelle pour m'indiquer que j'avais été radié à tort…
On a parfois, un peu l'impression de se retrouver, dans le jeu télévisé, « Qui veut gagner des millions », quand on demande au public, mais simplement s'il connaît la bonne réponse, de le faire, et que celle-ci s’avère fausse à 80 %.
Il n’y a pas de honte à dire qu'on ne sait pas, et de se renseigner pour trouver la bonne réponse, plutôt que de continuer à dire n'importe quoi.
Autre erreur stratégique de ma part, ma volonté d'envisager de changer le compte bancaire de certains prélèvements automatiques.
Cette fois-ci, on vous demandera les justificatifs les plus farfelus, et on s’apprêterait presque à fournir son brevet de natation et sa carte de cantine de primaire.
Vous avez changé de mode d'exercice, la CARPA vous informe qu'il convient que vous vous déplaciez pour régulariser la situation car vous n'avez plus d'accès par le Rpva, Dieu merci, e-barreau n’ayant pas été affecté.
Un peu décontenancé, et perturbé, vous vous rendez alors à votre Toque de 30 ans au palais, et vous vous baissez pour prendre votre courrier dans votre case.
Damned, ce n'est plus votre nom qui y figure et votre toque a été réattribuée à un autre confrère.
Pas vraiment plus rassuré que précédemment, vous vous adressez alors au responsable du vestiaire qui vous indique que oui, bien évidemment votre toque a été transférée avec celle de vos associés, et qu'on a dû vous adresser une correspondance à votre ancien numéro de toque… qui a donc été transféré à la nouvelle.
J'en passe et des meilleures, bien évidemment.
Heureusement, durant cette période, j'ai eu le bonheur chaque fois renouvelé, de recevoir une cinquantaine de titulaires du Capa aspirants à devenir de futurs confrères.
Leur fraîcheur, leur disponibilité et leur professionnalisme me persuadent que notre profession d’avocat est en de bonnes mains, et que celle-ci est plus forte que ceux qui cherchent à nous atteindre… Quoique.
En ce jour où je vous écris, nous sommes si peu après ce drame qui a touché l’âme française dans sa quintessence, pour peu qu'on ait un semblant de spiritualité et de connaissance de l'histoire, ce qui semble faire défaut à certains, à savoir l'incendie de Notre-Dame de Paris.
Certains de mes amis connaissant ma passion pour les cathédrales, (Albi, Chartres et Le Mans notamment) m’ont adressé des messages qui ont un peu atténué ma stupeur et ma tristesse.
Néanmoins, dépassé cet abattement, c'est de l'espérance que j'ai ressentie, car cette cathédrale nous la rebâtirons, et pendant de nombreuses années, ce chantier, à l'instar de la Sagrada Familia sera un motif de fierté, pour les Parisiens et les Français.
Cette espérance, je ne la ressens pas lorsque tout comme vous je pense à cette avocate iranienne, Nasrin Sotoudeh, condamnée à des peines hallucinantes et invraisemblables, tout simplement parce qu'elle avait fait son métier : défendre.
Elle est le symbole de tous les avocats persécutés dans le monde, et dont nous nous ne pouvons que partiellement comprendre l'engagement et la douleur, nous qui pensons habiter l'enfer, alors que nous sommes au paradis.
La Realpolitik a ses limites, et l'on ne peut plus collaborer de quelque façon que ce soit avec des pays prononçant de telles peines à l’encontre de confrères faisant simplement, et justement leur métier.
Notre mémoire est plus forte que leur arbitraire, et nous ne lâcherons rien même si ce mouvement de défense doit encore prendre de l’ampleur, notamment à l’international.
Je souhaitais finir ce billet par une pirouette du genre : « Et les mistrals gagnants », et bien qu'ayant conscience que je vis au paradis, ici en France, je n'en ai pas tout à fait le cœur.