Sagarmatha : à chacun son Everest
Je dois vous l’avouer, partir près de trois semaines dans l’Himalaya au mois de Novembre n’était pas, à première vue, très raisonnable.
Sans la bienveillance de la très grande majorité des confrères et des clients, je ne parle pas bien sûr de la souplesse légendaire du Rpva, tout ceci aurait été fort compromis.
Ce trek vers le camp de base de l’Everest ne peut se faire qu’à cette époque de l’année, pendant laquelle, néanmoins, l’ascension du toit du monde est interdite, ou de mars à mai, ce qui n’est pas vraiment plus facile professionnellement.
Le reste du temps, c’est pluie diluvienne ou neige ininterrompue.
Alors, après mure réflexion, notre petit noyau historique de « Chamonix Zermatt Avocats » décida de régler autrement le curseur du raisonnable.
Nous voici donc partis vers l’Everest, du nom de celui qui le mesura pour la première fois.
Personnellement j’aurais préféré qu’il s’appelle Hillary, pourquoi pas Tenzing, ou mieux encore de son nom ancestral : Sagarmatha « la déesse mère du ciel ».
Honnêtement, c’est le plus haut, certes, mais ce n’est pas le plus beau.
Le Pumori, le Nuptse et surtout l’Ama Dablam (La mère Blanche) sont beaucoup plus impressionnants, mais comme on le dit dans le jargon montagnard : « à chacun son Everest » et pour nous ce fut après le camp de base, un sommet au-dessus de celui-ci, le Kala Patthar puis le magnifique Gokyo Peak qui offre une vue spectaculaire et imprenable sur toute cette partie de l’Himalaya.
Durant tout ce cheminement nous n'avons cessé de croiser ce peuple népalais formidable, souriant et accueillant, dont les sherpas n’hésitent pas à porter quasiment leur poids, soit près de 50 kg à la même vitesse que nous avec une charge bien peu comparable…
Nous avons toujours considéré que nos aventures n'auraient aucun sens si nous nous ne pouvions aider ceux que nous rencontrons, dans la mesure de nos moyens
C'est pourquoi nous avons levé des fonds grâce à nos partenaires, non pour nous, mais pour les reverser aux familles népalaises qui n'ont pas notre chance.
Nous continuerons à le faire.
Le ciel est magnifiquement bleu, l'air est frais et respirable, même si parfois, au-dessus de 5000 m il vient à manquer.
Notre groupe progresse, solidaire, uni et heureux.
Si, contrairement à d'autres treks on reste véritablement ouvert sur le monde qui nous entoure, néanmoins comme tout cheminement, on peut être poussé parfois à une certaine introspection.
Comme vous le savez peut-être, je serai candidat, ou plutôt je le suis déjà, dans trois ans (Décembre 2022) pour espérer devenir le bâtonnier olympique dès janvier 2024.
Je souhaiterais placer cette campagne sur trois axes.
La solidarité indispensable à notre profession et à sa survie, l'unité qui en est le corollaire, et surtout, la capacité à être heureux.
La solidarité, c'est celle que nous témoignons d'ores et déjà aujourd'hui, notamment dans la défense de notre régime de retraite autonome, bénéficiaire, et qui ne demande rien à personne.
C'est celle que chacun manifeste à nos confrères dont le parcours professionnel a peut-être été plus difficile, ou qui se sont dévoués à la défense des plus démunis, et ce au détriment de leurs cabinets.
Mais la solidarité doit être autre, et nous en reparlerons.
L'unité, c'est ce que nous devons montrer à l'extérieur : une profession forte, sûre d’elle, mais à l'écoute, et qui ne parle que d'une seule voix.
Enfin, la capacité à être heureux c'est peut-être ce qui nous manque le plus aujourd'hui.
Nous sommes tous englués dans nos problèmes internes, ceux que nous devons aussi gérer pour nos clients, le caractère anxiogène de nos rapports avec les magistrats qui semblent prêts à tout moment à nous opposer la procédure Magendie pour nous interdire de faire notre métier.
Nous vivons à une époque formidable, dans un des pays qui selon toutes les études extérieures est un des plus beaux du monde, et nous croyons vivre en enfer alors que nombre d’entre nous, et il suffit de voyager pour s’en convaincre, sommes déjà au paradis…
Nos modèles de fonctionnement sont à revoir, et nous devons nous remettre en question sur de nombreuses questions, ne serait-ce que sur ce que nous proposons à nos jeunes confrères entrant dans la profession.
Je l'ai déjà écrit, ma campagne à l'instar de nos confrères québécois sera limitée financièrement, nous nous devons de montrer l'exemple, et je souhaite que la personne qui m'accompagnera comme vice-bâtonnier, puissent disposer des plus grandes prérogatives dans ce que je conçois comme un co Batonnat.
Il reste trois années, ce qui est à la fois long et court, et je ne cèderai pas au « jeu » parisien bien connu, et dont se délecte certains, à savoir la recherche d'une vice-bâtonnière pour cette entreprise.
Si cette aventure intéresse quelqu'une, rencontrons-nous, déjeunons ensemble, et examinons si nous pouvons nous présenter à nos confrères : solidaires, unis et heureux…
Comme je vous l’ai dit, « à chacun son Everest » et donc son chemin, et je souhaite tracer le mien.
L’année 2019 se termine et n'aura pas été une excellente année pour la profession d'avocat, comme hélas, les précédentes.
Gageons que 2020, que je vous souhaite heureuse mette un terme à cet engrenage malheureux.